Cherchez l’erreur

Il se dit par chez moi qu’une femme enceinte a fini aux urgences après s’être vue délivrer par erreur du MISOPROSTOL pendant sa grossesse. L’horrible conclusion que l’on pouvait redouter dans une telle situation ne s’est pas fait attendre. En tant que formateur qui répète à longueur d’année à ses élèves le sens du mot tératogène et les molécules concernées c’est une incompréhension totale qui vient s’ajouter à l’effroi.

Pour essayer d’ajouter un verrou supplémentaire afin d’enrayer l’enchainement d’erreurs pouvant aboutir à ce drame, un décret vient de paraitre afin d’améliorer l’information des patients sur la présence d’une substance tératogènes dans leurs médicaments [1].

Pour rappel, voici une liste non exhaustive de médicaments tératogènes ou foetotoxiques.

L’outil indispensable pour la prise en charge pharmacologique d’une femme enceinte ou susceptible de l’être se nomme Le CRAT (Centre de Référence sur les Agents Tératogènes). Pour ceux d’entre vous qui ne connaissent pas encore comment ça fonctionne, c’est assez simple :

A travers leur indexation par pathologie ou par médicament, vous trouverez de quoi vous rassurer et surtout rassurer les patientes vis-à-vis du risque pour la grossesse.

Concernant le MISOPROSTOL ce n’est pas rassurant du tout. Il est classé par le CRAT comme « Médicaments tératogènes à proscrire pendant au moins les 2 premiers mois de grossesse, et si possible au-delà, sauf indication exceptionnelle ». Et pour cause ! Il s’agit d’une molécule utilisée dans les protocoles d’interruption de grossesse !

Le MISOPROSTOL en pharmacie d’officine

Attention les problèmes évoqués ici sont ceux rencontrés par le pharmacien d’officine : merci aux hospitaliers de rengainer.

En pharmacie d’officine, il nous est tous arrivé de voir arriver des ordonnances de MISOPROSTOL sous la forme d’une prescription de Cytotec® comme l’a bien fait remonter un débat organisé par le compte @Red_Pharma.

Voilà les quelques points à retenir pour comprendre les problèmes posés par la présentation d’une ordonnance de Cytotec® en pharmacie d’officine.

  • La seule présentation de MISOPROSTOL délivrable est le Cytotec®, une spécialité à prescription médicale obligatoire prescrite de manière assez anecdotique dans l’indication de son AMM, la prévention des ulcères gastriques ;
  • L’autre présentation existante de MISOPROSTOL est le Gymiso®, une spécialité destinée à être fournie aux médecins agréés pour les IVG médicamenteux afin qu’ils les dispensent eux même aux patientes dans un souci de limiter le nombre d’intervenants pour la patiente ;
  • Le RCP du Gymiso® et l’Ordre des pharmaciens [3] sont très clairs : Il est interdit à un pharmacien d’officine de délivrer du Gymiso® à une patiente pour une IVG ;
  • Vu que l’IVG n’est pas l’indication du Cytotec® et qu’il y a le Gymiso® pour ça : Il est interdit à un pharmacien d’officine de délivrer du Cytotec® à une patiente pour une IVG (voir Loi sur le « hors AMM » [2]) ;
  • Concernant les autres prescriptions de MISOPROSTOL à usage gynécologique chez la femme enceinte tels que la grossesse arrêtée ou la fausse couche incomplète, il me semble légitime pour le pharmacien d’officine d’appliquer les mêmes règles que pour la dispensation du Gymiso® et donc d’en refuser, ainsi que pour le Cytotec®, la délivrance directe à la patiente ;
  • Enfin concernant l’usage de Cytotec® dans la préparation à la pose d’un dispositif intra-utérin, le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF)[4] indique « [qu’] il n’y a pas de bénéfice à ce jour au misoprostol pour la pose des DIU quelle que soit la parité ». excluant de ce fait la possibilité d’un usage hors AMM (voir Loi sur le « hors AMM » [2]).

Pour toutes ces raisons, un pharmacien d’officine  devrait

  1. ne pas référencer le Cytotec®
  2. sursauter lorsqu’on lui présente une ordonnance de Cytotec® (ou lorsqu’il croit en avoir déchiffré sur une ordonnance)
  3. refuser la délivrance de Cytotec® hors indication de son AMM

La seule situation ou il semble envisageable de délivrer le Cytotec® hors AMM en officine de ville est en prémédication avant hystéroscopie diagnostique ou opératoire dans certains cas difficiles chez la patiente avant la ménopause (CNGOF) [4]

Résumé en images

Références
Image : Artwork alien 3 par Sam Markiewicz
1. Décret n° 2017-550 du 14 avril 2017 relatif à l’apposition d’un pictogramme sur le conditionnement extérieur de certains médicaments ou produits
2. Réglementation sur l’usage « Hors AMM » : Article L5121-12-1
3. Journal de l’Ordre des Pharmaciens 2012 N°12 p14 (PDF)
4. Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) 2013. État des lieux et expertise de l’usage hors AMM du misoprostol en gynécologie-obstétrique (PDF)