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Mois : avril 2017

La soupe Miso

Cherchez l’erreur

Il se dit par chez moi qu’une femme enceinte a fini aux urgences après s’être vue délivrer par erreur du MISOPROSTOL pendant sa grossesse. L’horrible conclusion que l’on pouvait redouter dans une telle situation ne s’est pas fait attendre. En tant que formateur qui répète à longueur d’année à ses élèves le sens du mot tératogène et les molécules concernées c’est une incompréhension totale qui vient s’ajouter à l’effroi.

Pour essayer d’ajouter un verrou supplémentaire afin d’enrayer l’enchainement d’erreurs pouvant aboutir à ce drame, un décret vient de paraitre afin d’améliorer l’information des patients sur la présence d’une substance tératogènes dans leurs médicaments [1].

Pour rappel, voici une liste non exhaustive de médicaments tératogènes ou foetotoxiques.

L’outil indispensable pour la prise en charge pharmacologique d’une femme enceinte ou susceptible de l’être se nomme Le CRAT (Centre de Référence sur les Agents Tératogènes). Pour ceux d’entre vous qui ne connaissent pas encore comment ça fonctionne, c’est assez simple :

A travers leur indexation par pathologie ou par médicament, vous trouverez de quoi vous rassurer et surtout rassurer les patientes vis-à-vis du risque pour la grossesse.

Concernant le MISOPROSTOL ce n’est pas rassurant du tout. Il est classé par le CRAT comme « Médicaments tératogènes à proscrire pendant au moins les 2 premiers mois de grossesse, et si possible au-delà, sauf indication exceptionnelle ». Et pour cause ! Il s’agit d’une molécule utilisée dans les protocoles d’interruption de grossesse !

Le MISOPROSTOL en pharmacie d’officine

Attention les problèmes évoqués ici sont ceux rencontrés par le pharmacien d’officine : merci aux hospitaliers de rengainer.

En pharmacie d’officine, il nous est tous arrivé de voir arriver des ordonnances de MISOPROSTOL sous la forme d’une prescription de Cytotec® comme l’a bien fait remonter un débat organisé par le compte @Red_Pharma.

Voilà les quelques points à retenir pour comprendre les problèmes posés par la présentation d’une ordonnance de Cytotec® en pharmacie d’officine.

  • La seule présentation de MISOPROSTOL délivrable est le Cytotec®, une spécialité à prescription médicale obligatoire prescrite de manière assez anecdotique dans l’indication de son AMM, la prévention des ulcères gastriques ;
  • L’autre présentation existante de MISOPROSTOL est le Gymiso®, une spécialité destinée à être fournie aux médecins agréés pour les IVG médicamenteux afin qu’ils les dispensent eux même aux patientes dans un souci de limiter le nombre d’intervenants pour la patiente ;
  • Le RCP du Gymiso® et l’Ordre des pharmaciens [3] sont très clairs : Il est interdit à un pharmacien d’officine de délivrer du Gymiso® à une patiente pour une IVG ;
  • Vu que l’IVG n’est pas l’indication du Cytotec® et qu’il y a le Gymiso® pour ça : Il est interdit à un pharmacien d’officine de délivrer du Cytotec® à une patiente pour une IVG (voir Loi sur le « hors AMM » [2]) ;
  • Concernant les autres prescriptions de MISOPROSTOL à usage gynécologique chez la femme enceinte tels que la grossesse arrêtée ou la fausse couche incomplète, il me semble légitime pour le pharmacien d’officine d’appliquer les mêmes règles que pour la dispensation du Gymiso® et donc d’en refuser, ainsi que pour le Cytotec®, la délivrance directe à la patiente ;
  • Enfin concernant l’usage de Cytotec® dans la préparation à la pose d’un dispositif intra-utérin, le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF)[4] indique « [qu’] il n’y a pas de bénéfice à ce jour au misoprostol pour la pose des DIU quelle que soit la parité ». excluant de ce fait la possibilité d’un usage hors AMM (voir Loi sur le « hors AMM » [2]).

Pour toutes ces raisons, un pharmacien d’officine  devrait

  1. ne pas référencer le Cytotec®
  2. sursauter lorsqu’on lui présente une ordonnance de Cytotec® (ou lorsqu’il croit en avoir déchiffré sur une ordonnance)
  3. refuser la délivrance de Cytotec® hors indication de son AMM

La seule situation ou il semble envisageable de délivrer le Cytotec® hors AMM en officine de ville est en prémédication avant hystéroscopie diagnostique ou opératoire dans certains cas difficiles chez la patiente avant la ménopause (CNGOF) [4]

Résumé en images

Références
Image : Artwork alien 3 par Sam Markiewicz
1. Décret n° 2017-550 du 14 avril 2017 relatif à l’apposition d’un pictogramme sur le conditionnement extérieur de certains médicaments ou produits
2. Réglementation sur l’usage « Hors AMM » : Article L5121-12-1
3. Journal de l’Ordre des Pharmaciens 2012 N°12 p14 (PDF)
4. Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) 2013. État des lieux et expertise de l’usage hors AMM du misoprostol en gynécologie-obstétrique (PDF)

Vers l’infinuit et au delà

Depuis le 10 avril 2017, les spécialités contenant du Zolpidem (Stilnox® ou autre) sont passées du statut de « médicament liste I hypnotique » au statut de « médicament liste I hypnotique assimilé stupéfiant » [1]. Le dernier hypnotique à avoir subit ce sort était le Rohypnol® qui a fini par être retiré [2].

Pour rappel, un médicament liste I nécessite obligatoirement une ordonnance pour sa première délivrance, qui doit avoir lieux dans les 3 mois suivant la rédaction, et ses renouvellements si le prescripteur l’a prévu [art R5132-22 du CSP]. La durée de prescription ne peut être faite pour une durée de traitement supérieure à douze mois [art R5132-21 du CSP]. Les hypnotiques font exceptions à ces règles puisque la durée maximale de traitement est de un mois et que leur renouvellement sur l’ordonnance est interdit [3].

Un traitement hypnotique doit être le plus bref possible, de quelques jours à 4 semaines (AMM) afin de limiter les effets indésirables qui en découlent : chute, troubles de la mémoire, diminution de la vigilance le lendemain. Les personnes âgées sont particulièrement exposées à ces effets indésirables. Leur usage chronique expose en outre à des phénomènes de dépendance couramment observé en pratique pour les benzodiazépines, les hypnotiques et le Zolpidem en particulier du fait de sa large prescription. Plus que son potentiel iatrogène, qui n’est pas pire qu’un autre, c’est ce large usage qui a conduit le Zolpidem à se voir attribué certaines des contraintes des médicaments stupéfiants.

La prescription d’un médicament stupéfiant ou assimilé doit être rédigée :

  • SUR une ordonnance sécurisée (à usage manuscrit et informatique) fabriquées par des sociétés agréées par l’AFNOR et dont les caractéristiques servant de point de contrôle sont fixées par Arrêté à la manière d’un billet de banque pour éviter sa contrefaçon [4].
  • d’une MANIÈRE sécurisée afin d’éviter sa modification post rédaction par le prescripteur

Concernant l’art et la manière de remplir toute ordonnance de stupéfiants ou assimilés, il faut obligatoirement (art R5132-5 et R5132-29 du CSP)

  • Pour le produit :
    • Nom
    • Forme galénique
    • Dosage (EN TOUTES LETTRES)
  • Pour la posologie
    • Nombre d’unités thérapeutiques par prise (EN TOUTES LETTRES)
    • Nombre de prises (EN TOUTES LETTRES).
  • NB :
    • il n’est pas fait état de la durée de traitement en toutes lettres (sauf à considérer qu’elle est partie intégrante du nombre de prises, ce que ne semble pas être le cas si on se réfère aux exemples fournis sur le site MEDDISPAR de l’Ordre des Pharmaciens)
    • il n’est pas fait état de l’obligation de remplir le carré en bas à droite (mais il doit être présent sinon l’ordonnance n’est pas sécurisée …)

Après ça se complique puisque les choses peuvent varier entre les stupéfiants et les assimilés stupéfiants, voir entre deux assimilés stupéfiants.

On va se concentrer uniquement sur le zolpidem aujour’soir.

Le nouveau texte [5] dit :

  • Pas de chevauchement mais 0 délais de carence (art. R5132-33 à l’exception du 1e alinéa)
  • Ne dit rien au sujet des art R.5132-33, R.5132-35, R.5132-10, R.5132-36 du CSP, ni de l’art L162-4-2 du CSS. Ce qui veut donc dire
    • La délivrance n’est pas soumise à un délai de carence de 3 jours. (ø 1er alinéa R5132-33 du CSP)
    • La conservation d’une copie de l’ordonnance 3 ans n’est pas requise (ø R5132-35 du CSP)
    • Pas d’inscription à l’ordonnancier des stupéfiants (ø R5132-10 du CSP)
    • Pas d’inscriptions au registre comptable des stupéfiants (ø R5132-36 du CSP)
    • L’ordonnance n’a pas à mentionner le nom du pharmacien chargé de la délivrance (ø L162-4-2 CSS, NB : c’est ici une question de remboursement)

Au final ça devrait ressembler à ça

NB : pour rappel, le site de référence pour toute question sur les modalités particulières de prescriptions/délivrance d’un médicament : c’est sur le site de l’Ordre des Pharmaciens MEDDISPAR !
Voilà c’est fin…. NON ATTENDEZ !!!

Je vois certains de mes confrères qui s’agitent pour savoir comment on fait si le prescripteur fait une ordonnance avec 2 comprimés par jour (JE DIS BIEN DEUX).

La monographie est très claire : on ne DOIT PAS dépasser 10 mg par prise et par jour. C’est clair pour l’ANSM, l’EMA et la FDA.

DONC si vous voulez délivrer 2 comprimés par jour ça n’est pas prévu par l’AMM. Le hors AMM est-il pour autant interdit ? Parfois non, mais ici OUI !!! Le hors AMM est possible, entre autre si des données justifient et sécurisent son usage. Cependant dans le cas présent, toutes les données à cette date indiquent DE NE PAS DÉPASSER 10 MG. Il n’y a donc pas de hors AMM possible et la délivrance de 2cp/j est interdite. Le faire quand même engage votre responsabilité à 200% dans la mesure ou cet acte est contraire à l’essence de notre métier et met en danger le patient.

Voilà c’est fini, bonne nuit les petits.

 

Référence
Image : Toy Story – Disney/Pixar
1. ANSM. Prescription obligatoire du zolpidem sur ordonnance sécurisée – Point d’Information – 11/01/2017
2. ANSM. Rohypnol (flunitrazépam) 1 mg – Arrêt de commercialisation – Point d’information – 19/04/2013
3. Legifrance. Arrêté du 7 octobre 1991 fixant la liste des substances de la liste I des substances vénéneuses à propriétés hypnotique et/ou anxiolytique dont la durée de prescription est réduite – Version consolidée au 15 avril 2017
4. Legifrance. Arrêté du 31 mars 1999 fixant les spécifications techniques des ordonnances mentionnées à l’article R. 5132-5 du code de la santé publique – Version consolidée au 15 avril 2017
5. Legifrance. Arrêté du 7 janvier 2017 portant application d’une partie de la réglementation des stupéfiants aux médicaments à base de zolpidem administrés par voie orale

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