Depuis le 10 avril 2017, les spécialités contenant du Zolpidem (Stilnox® ou autre) sont passées du statut de « médicament liste I hypnotique » au statut de « médicament liste I hypnotique assimilé stupéfiant » [1]. Le dernier hypnotique à avoir subit ce sort était le Rohypnol® qui a fini par être retiré [2].
Pour rappel, un médicament liste I nécessite obligatoirement une ordonnance pour sa première délivrance, qui doit avoir lieux dans les 3 mois suivant la rédaction, et ses renouvellements si le prescripteur l’a prévu [art R5132-22 du CSP]. La durée de prescription ne peut être faite pour une durée de traitement supérieure à douze mois [art R5132-21 du CSP]. Les hypnotiques font exceptions à ces règles puisque la durée maximale de traitement est de un mois et que leur renouvellement sur l’ordonnance est interdit [3].
Un traitement hypnotique doit être le plus bref possible, de quelques jours à 4 semaines (AMM) afin de limiter les effets indésirables qui en découlent : chute, troubles de la mémoire, diminution de la vigilance le lendemain. Les personnes âgées sont particulièrement exposées à ces effets indésirables. Leur usage chronique expose en outre à des phénomènes de dépendance couramment observé en pratique pour les benzodiazépines, les hypnotiques et le Zolpidem en particulier du fait de sa large prescription. Plus que son potentiel iatrogène, qui n’est pas pire qu’un autre, c’est ce large usage qui a conduit le Zolpidem à se voir attribué certaines des contraintes des médicaments stupéfiants.
La prescription d’un médicament stupéfiant ou assimilé doit être rédigée :
- SUR une ordonnance sécurisée (à usage manuscrit et informatique) fabriquées par des sociétés agréées par l’AFNOR et dont les caractéristiques servant de point de contrôle sont fixées par Arrêté à la manière d’un billet de banque pour éviter sa contrefaçon [4].
- d’une MANIÈRE sécurisée afin d’éviter sa modification post rédaction par le prescripteur
Concernant l’art et la manière de remplir toute ordonnance de stupéfiants ou assimilés, il faut obligatoirement (art R5132-5 et R5132-29 du CSP)
- Pour le produit :
- Nom
- Forme galénique
- Dosage (EN TOUTES LETTRES)
- Pour la posologie
- Nombre d’unités thérapeutiques par prise (EN TOUTES LETTRES)
- Nombre de prises (EN TOUTES LETTRES).
- NB :
- il n’est pas fait état de la durée de traitement en toutes lettres (sauf à considérer qu’elle est partie intégrante du nombre de prises, ce que ne semble pas être le cas si on se réfère aux exemples fournis sur le site MEDDISPAR de l’Ordre des Pharmaciens)
- il n’est pas fait état de l’obligation de remplir le carré en bas à droite (mais il doit être présent sinon l’ordonnance n’est pas sécurisée …)
Après ça se complique puisque les choses peuvent varier entre les stupéfiants et les assimilés stupéfiants, voir entre deux assimilés stupéfiants.
On va se concentrer uniquement sur le zolpidem aujour’soir.
Le nouveau texte [5] dit :
- Pas de chevauchement mais 0 délais de carence (art. R5132-33 à l’exception du 1e alinéa)
- Ne dit rien au sujet des art R.5132-33, R.5132-35, R.5132-10, R.5132-36 du CSP, ni de l’art L162-4-2 du CSS. Ce qui veut donc dire
- La délivrance n’est pas soumise à un délai de carence de 3 jours. (ø 1er alinéa R5132-33 du CSP)
- La conservation d’une copie de l’ordonnance 3 ans n’est pas requise (ø R5132-35 du CSP)
- Pas d’inscription à l’ordonnancier des stupéfiants (ø R5132-10 du CSP)
- Pas d’inscriptions au registre comptable des stupéfiants (ø R5132-36 du CSP)
- L’ordonnance n’a pas à mentionner le nom du pharmacien chargé de la délivrance (ø L162-4-2 CSS, NB : c’est ici une question de remboursement)
Au final ça devrait ressembler à ça
NB : pour rappel, le site de référence pour toute question sur les modalités particulières de prescriptions/délivrance d’un médicament : c’est sur le site de l’Ordre des Pharmaciens MEDDISPAR !
Voilà c’est fin…. NON ATTENDEZ !!!
Je vois certains de mes confrères qui s’agitent pour savoir comment on fait si le prescripteur fait une ordonnance avec 2 comprimés par jour (JE DIS BIEN DEUX).
La monographie est très claire : on ne DOIT PAS dépasser 10 mg par prise et par jour. C’est clair pour l’ANSM, l’EMA et la FDA.
DONC si vous voulez délivrer 2 comprimés par jour ça n’est pas prévu par l’AMM. Le hors AMM est-il pour autant interdit ? Parfois non, mais ici OUI !!! Le hors AMM est possible, entre autre si des données justifient et sécurisent son usage. Cependant dans le cas présent, toutes les données à cette date indiquent DE NE PAS DÉPASSER 10 MG. Il n’y a donc pas de hors AMM possible et la délivrance de 2cp/j est interdite. Le faire quand même engage votre responsabilité à 200% dans la mesure ou cet acte est contraire à l’essence de notre métier et met en danger le patient.
Voilà c’est fini, bonne nuit les petits.
Référence
Image : Toy Story – Disney/Pixar
1. ANSM. Prescription obligatoire du zolpidem sur ordonnance sécurisée – Point d’Information – 11/01/2017
2. ANSM. Rohypnol (flunitrazépam) 1 mg – Arrêt de commercialisation – Point d’information – 19/04/2013
3. Legifrance. Arrêté du 7 octobre 1991 fixant la liste des substances de la liste I des substances vénéneuses à propriétés hypnotique et/ou anxiolytique dont la durée de prescription est réduite – Version consolidée au 15 avril 2017
4. Legifrance. Arrêté du 31 mars 1999 fixant les spécifications techniques des ordonnances mentionnées à l’article R. 5132-5 du code de la santé publique – Version consolidée au 15 avril 2017
5. Legifrance. Arrêté du 7 janvier 2017 portant application d’une partie de la réglementation des stupéfiants aux médicaments à base de zolpidem administrés par voie orale
Pharma01
Pourquoi y a-t-il le Rohypnol sur le schéma ? #iln’existeplus
PresqueRire
J’ai mis le Rohypnol car il était dans la même situation administrative que le Stilnox maintenant… et s’en est suivi son retrait.
Dr.Vercors
Bonjour,
Merci pour ce billet éclairant.
Petite question sur la dernière partie, d’actualité vu le débat sur l’AMM qui a secoué twitter dernièrement :
Quid des patients « addict » qui en prennent parfois 3 comprimés par jour (j’ai bien dis TROIS!).
Je récupère des patients de Dr.dévoué qui prescrivait conformément à l’AMM : un pour le patient, puis un pour Mme et un pour sa belle mère. En sachant que c’est monsieur qui mange les 3.
Je préfère écrire clairement qui prend quoi plutôt qu’entretenir la tarufferie (tout en travaillant sur le sevrage, cela va sans dire).
Vaut-il mieux faire le candide dans les clous de l’AMM ou bien écrire ce qui sera de toute façon la réalité (il en prend 3, autant que ce soit clair pour tout le monde).
Merci!
PresqueRire
Il n’y a pas de cadre légal pour décider quoi faire. La clé du problème ne peut se trouver que dans les échanges entre les trois parties (prescripteur, patient, pharmacien) autour de la mise en place d’un protocole de sevrage impliquant le pharmacien. Les canadiens ont un outil dispo (Clique ici (PDF)). Peut être que cette nouvelle classification pourra servir de déclic pour certains pour se lancer dans ce protocole de sevrage. Bon courage en tout cas !
docteurdu16
Bonjour,
Merci pour ça.
Mais je suis surpris car tous les pharmaciens n’appliquent pas cette règle.